Œuvre réalisée lors d’une résidence de recherche et de création effectuée sur les quartiers de la Lainière (Roubaix, Wattrelos) et de l’Union (Tourcoing) de juin à juillet 2023.

En 1959, le biologiste Pierre-Paul Grassé étudiant le comportement des termites, introduisit le terme stigmergie, le définissant comme la stimulation des travailleurs par l’œuvre qu’ils réalisent. Ce mot conceptualise le principe qu’une trace laissée dans l’environnement par une action initiale stimule une action suivante par le même agent ou par un autre. Les traces, les empreintes, les stigmates, les marques du temps qui passe sont autant de signatures que Joëlle Jakubiak se plaît à relever et à traduire à travers des expérimentations plastiques conjurant l’éphémérité des choses, à l’échelle humaine. Pas à pas, laborieusement, elle s’est attachée ici à un véritable travail de fourmi, oxydant du papier par contact plus ou moins prolongé avec du métal rouillé, et par pliages, d’en fabriquer des profilés qui ne sont pas sans rappeler ceux des quelques usines encore en place à l’Union et à la Lainière. Ainsi, elle répercute symboliquement des signes décatis qui pour autant transpirent encore de leur utilité, de leur gloire passée comme s’ils avaient encore à voir avec le présent. Elle établit alors une continuité tant temporelle que physique exposant la matière à nue, lui offrant un nouveau cycle, de nouvelles attaches, une autre fonctionnalité. Ici les tubes aciers sont de papier et ne supporteront pas les murs d’une usine, bien au contraire, ils viennent s’appuyer légèrement sur la cimaise d’exposition comme pour nous signifier que tout autour de nous est particulièrement fragile.

Pascal Marquilly